Jacques Gleyse
« Corps & Culture »
Faculté des Sciences du Sport et de l’Éducation physique
Université de Montpellier I
Et IUFM de Montpellier
Michel Bernard.
La chair et le
verbe.

Retour à la liste des pages
« Nature
», culture et éducation
Résumé
: Michel Bernard est l’un des auteurs phares du champ de
l’Éducation physique pour ce qui concerne les approches
philosophiques et anthropologiques du corps. Le texte cherche à
résumer son œuvre de manière synthétique et
à en extraire les axes les plus forts. Il semble que l’une des
clefs de cette œuvre bigarrée et conséquente, de ce
labyrinthe textuel puisse tenir dans le dialogue complexe de la chair
et du verbe.
Mots
clés : Corps, culture, nature, éducation,
expressivité
Abstract : Michel Bernard is one of the major author
in the field of physical Éducation whitch deals whith
philosophical and anthropological approaches of body. The paper tries
to sum up it’s work in a synthetic maner and to extract the strongest
axes. It seems that one key of this mothley and important work, of this
textual maze seems to be sum up in the complex dialog between flesh and
verb.
Key words : Body, culture, nature, Éducation,
expressivity.
|
Corps et Culture, tel est le nom de la collection
que Michel Bernard, Agrégé de philosophie, alors
Maître assistant à l'Université de Paris X,
crée en 1974 aux Editions Universitaires. On voit donc la
filiation entre la revue, dans laquelle trouve place le texte, et cet
auteur. Michel Bernard est, sans aucun doute, l'un des maîtres
à penser et surtout le père fondateur d'une
réflexion contemporaine, philosophique, psychanalytique et
anthropologique sur la culture corporelle en Éducation physique
et dans bien d’autres lieux.
Sur un autre plan, un lien tout aussi fort l'unit aux recherches et
à la formation en « Éducation physique »
puisqu'il enseigna durant huit ans la psychopédagogie à
l'Ecole Normale Supérieure d'Éducation Physique et
Sportive de garçons (de 1960 à 1968, notamment aux
côtés de Robert Mérand !), après avoir
été professeur agrégé de philosophie
à l'Ecole Normale d'instituteurs d'Arras. C'est ainsi qu'il a pu
influencer les travaux d'autres acteurs aujourd'hui hors de
l’institution S.T.A.P.S. tels Jean-Marie Brohm et Georges Vigarello… ou
en son sein : Daniel Denis, Christian Pociello, et d'autres encore.
Cette position originale et ce parcours sont très clairement
expliqués dans l'article intitulé «
Esthétique et théâtralité du corps. Un
entretien avec Michel Bernard », paru dans la revue Quel Corps ?
(1988 a) .
En tout état de cause, toute une génération
d'étudiants et de formateurs en Éducation physique et
plus généralement en sciences de l'éducation et en
sciences humaines, en France et en Europe, fut interpellée par
la publication de l'ouvrage le faisant vraiment connaître et
reconnaître, Le Corps, dont la première édition fut
publiée en 1972 aux Editions Universitaires.
Pourtant, la première publication de cet auteur qui fera date
dans l'histoire de l'Éducation Physique, se situe en 1968 dans
le numéro quarante-trois de la revue Partisans, intitulée
Sport, culture et répression. Elle a pour titre : «
Politique gaulliste des sports et des loisirs ». Il s'agit d'un
réquisitoire contre le système gaulliste appliqué
au sport et considéré comme posant « les jalons
d'un système cohérent de contrôle, d'asservissement
de tous les secteurs aux nécessités de la concurrence
capitaliste internationale » (Bernard M., 1968 : 100). On le
voit, dès le départ, une perspective « critique
», au sens kantien du terme, anime Michel Bernard. Mais son œuvre
ne se limite pas à cette perspective d'analyse. Au contraire,
elle tente de montrer, dans une optique finalement assez proche de
celle de la généalogie nietzschéenne ou de
l'archéologie foucaldienne, comment le corps est un
système de normes et de contrôle, mais aussi comment il
est largement déterminé par des dynamiques inconscientes,
pulsionnelles qui ne répondent pas nécessairement aux
lois sociales ou au logiques rationnelles strictes. La démarche
de Michel Bernard n'est donc pas très éloignée, au
fond, de celle de l'actuelle revue Corps & Culture s'interrogeant
sur les systèmes de normes et de valeurs, attachées aux
pratiques corporelles tout autant qu'aux dynamiques de transformations
des discours tenus sur ces pratiques et de ces pratiques
elles-mêmes.
Ainsi, associer Michel Bernard à ce numéro
consacré à « Corps et Éducation »
semble tout naturel, dans la mesure où celui-ci a publié
dans ces deux domaines et que, de toute manière, ses recherches,
touchant à la culture corporelle, ont finalement toujours inclus
la problématique de l'éducation.
Si, en effet, « le corps est le symbole dont use une
société pour parler de ses fantasmes » (Bernard M.,
1976 : 134), il est tributaire d'un phénomène
d'imprégnation par la culture qui, finalement, est un processus
d'éducation, explicite ou implicite.
Mais, auteur prolifique, Michel Bernard ne s'est pas
arrêté dans ses publications à sa thèse
originelle. Ce sont quelques dizaines d'articles, dans
différentes revues (Partisans, Quel Corps ?, Esprit…) et
ouvrages collectifs (Histoire de la philosophie, Encyclopédie
philosophique universelle) qui pavent le chemin du philosophe du corps
et de l'éducation. Ces textes sont généralement
fondés sur un regard psychanalytique, clinique, voire
anthropologique posé sur le corps qui préside à
une philosophie et une éthique. Le fond en est toujours une
position critique, une « déconstruction » de la
corporalité où le sentir et la simulation s'opposent
à l'instrumentation, à la pragmatique et à
l'action. Les références fréquentes sont Freud,
Klein, Reich, Merleau-Ponty, Schilder, Marcuse, Deleuze et Guattari,
mais aussi Fédida, Baudrillard, Lyotard voire Valéry ou
Wallon.
Par ailleurs, deux gros ouvrages sont également publiés
par Michel Bernard : L'Expressivité du corps. Recherche sur les
fondements de la théâtralité, en 1977, qui
correspond à sa thèse d'Etat et, dans un tout autre
domaine, Critique des fondements de l'Éducation.
Généalogie du pouvoir ou de l'impouvoir d'un discours, en
1988 (chez Chiron). Cet ouvrage semble rompre avec la logique
précédemment suivie d'une analyse philosophique et
anthropologique du corps, mais à y regarder de plus près
on verra que cela est plus complexe. En effet, si c'est bien d'histoire
de l'éducation dont il est question là, sa mise en
relation avec les mythologies constitutives et les structures
organisationnelles ramène, pour partie, à des logiques
anthropologiques dont la distance au corps n'est pas aussi grande qu'il
peut y paraître.
Mais, le parcours d'écriture de Michel Bernard se poursuit
encore aujourd'hui, puisqu'à l'âge de soixante-treize ans,
il publie chez Chiron en association avec le Centre national de la
danse : De la création chorégraphique. De la danse comme
acte fondateur.
Ce qui suit tente de souligner toute l'ampleur de l'œuvre
réalisée par l'auteur et toute sa puissance pour
constituer un nouvel espace de discours sur le corps et
l'éducation.
Une collection qui décale le regard
Alors que l'on s'était relativement contenté de
définir le corps en termes anatomiques et physiologiques et
à lui appliquer, malgré les travaux de Leroy-Gourhan ou
de Mauss, les catégories des sciences de la vie, comme
système majeur d'analyse, notamment dans le domaine de
l'Éducation physique, Michel Bernard tente de faire naître
une nouvelle vision de ce « symbole ». Il le
réalise, bien sûr, en produisant une œuvre que l'on peut
qualifier de majeure, mais aussi en ouvrant une collection, totalement
inusitée et innovante, analysant le corps, non plus comme une
structure biologique, mais comme un symbole social et culturel.
La collection « Corps et Culture » des Editions
Universitaires — qui deviennent rapidement « Jean-Pierre Delarge
» — publiera, entre 1974 et 1979, dix ouvrages (en
général deux par an), généralement
consacrés au corps comme système symbolique et culturel,
voire aux pratiques corporelles et même à
l'Éducation Physique. Son identité est clairement
définie sur tous les ouvrages en quatrième de couverture
: « Cette collection réalise le projet de Michel Bernard
en conclusion de son livre sur “ le corps ”, à savoir : faire
l'analyse des pratique corporelles et des discours qu'elles suscitent
pour mettre à jour les processus idéologiques qui les
gouvernent. Si vraiment “ le corps est le symbole dont use une
société pour parler de ses fantasmes ”, une telle
collection permettra de les dévoiler, d'en saisir le sens et du
même coup de dénoncer l'exploitation mystificatrice
actuelle du thème corporel » (Bernard M., 1974 :
4ème de couverture)
Le premier ouvrage publié dans la collection « Corps et
Culture », n'est pas Le Corps, qui est
réédité en 1976 (c'est le troisième de la
série), mais un ouvrage consacré globalement au corps
dans l'éducation primaire et rédigé par Daniel
Denis : Le Corps enseigné (en 1974), où l'auteur,
après avoir analysé les instructions officielles en
vigueur et montré les systèmes d'interdits de
l’institution scolaire, propose notamment la mise en œuvre d'une
pédagogie alternative et aléatoire en Éducation
physique. Puis vient Corps et politique (1975) de Jean-Marie Brohm,
approche freudo-marxiste largement vulgarisée aujourd'hui de la
sociologie du corps. L'Expressivité du corps, recherche sur les
fondements de la théâtralité, qui sera
analysé plus loin, est le quatrième ouvrage à
paraître dans la collection, la même année que
Sociologie politique du sport de Jean-Marie Brohm (1976), ouvrage
appliquant aux pratiques sportives la radicale critique
freudo-marxiste, mise en œuvre pour ce qui concernait globalement le
corps en 1975. Le texte de Pierre Fédida : Corps du vide et
espace de séance, paraît en 1977 ; il traite du corps dans
l'espace psychanalytique.
C'est en 1978 que sont publiés, l'ouvrage fondamental et
très foucaldien de Georges Vigarello, qui servira ensuite de
point d'appui à bien des historiens des pratiques corporelles :
Le Corps redressé. Histoire d'un pouvoir pédagogique, et,
ainsi qu’un recueil dirigé par Michel Bernard lui-même,
essentiellement consacré à la pratique de
l'éducation corporelle, voire spécifiquement à
l'Éducation physique : Quelles pratiques corporelles maintenant
?. Ce dernier texte rassemble les contributions de J.-M. Brohm, L.
Colin, D. Denis, J.-L Pannetier, E. Valette, G. Vigarello et, bien
sûr, Michel Bernard. Il cherche à se situer à la
fois dans les domaines de la théorie et de la pratique en
associant des chercheurs universitaires (Bernard, Colin, Brohm,
Vigarello), et des professeurs d'Éducation physique du moment
(Denis, Pannetier, Valette).
Enfin, paraissent fin 1978 et début 1979 les deux ouvrages qui
concluent la collection. Celui de Daniel Charles, Le Temps de la voix,
propose une analyse de la voix non comme seul support du langage mais
bien comme « corps des paroles », comme « substance
de la parole ». Démocratisation du sport : mythe ou
réalité ? d'Yves Le Pogam, actuel directeur de
publication de la revue Corps & Culture, comme son titre le
souligne, s'interroge sur la réalité de l'idée,
très largement diffusée dans les années
soixante-dix, d'une démocratisation du sport. Ce point de vue
est globalement réfuté au profit de celui, notamment, de
massification. Les pratiques sportives restent bien l'emblème de
classes sociales malgré certains éléments de
résistance et de différenciation qu'il est
intéressant de fouiller.
Ont été publiés dans la collection « Corps
et Culture » chez Jean-Pierre Delarge, sous la direction de
Michel Bernard, dix ouvrages, très importants voire même
fondateurs, pour le champ de l'analyse critique des pratiques
corporelles. Ces dix ouvrages ont contribué, largement, à
favoriser une lecture du corps comme « signifiant flottant
», comme « habit d'arlequin fantasmatique » ou, pour
le dire autrement, comme un véritable fait culturel et social.
Ces dix ouvrages prolongent en quelque sorte, en les amplifiant, les
thèses initiales défendues par Michel Bernard dans son
ouvrage fondateur Le Corps. C'est d'ailleurs ce que prévoit ce
dernier dans la réédition chez Delarge de cet ouvrage,
dans l'appendice « réflexions nouvelles quatre ans
après. Le corps talisman ou l'illusion lyrique » : «
La réédition et l'intégration de ce livre dans la
Collection « Corps et Culture », m'offre l'occasion
souhaitée sinon de le compléter (la production de la
collection elle-même s'en chargera [je souligne]), du moins de le
préciser et d'en dégager la ligne d'évolution.
» (Bernard M., 1976 : 143).
Le Corps
« Toute philosophie ne peut éviter ou
évacuer une réflexion sur le corps sans se condamner
à n'être qu'une spéculation vide, futile,
stérile » (Bernard M., 1976 : 8) ; voici finalement le
fondement sur lequel repose le propos de Le Corps et peut-être de
toute l'œuvre de Michel Bernard. Il s'agit, rien moins, en effet, dans
ce texte, que de tenter de démystifier « la civilisation
du corps » et de livrer ce « corps » à une
analyse démontrant comment « sa réalité est
façonnée par nos fantasmes inconscients qui sont
eux-mêmes le reflet des mythes forgés par la
société » (ibid., 4ème de couverture).
Á partir de ce point focal, l'ouvrage va, montrer comment le
corps est devenu un des centres de la culture des années
soixante-dix et comment, sa prétendue « libération
», par différentes pratiques physiques, pourrait
n'être qu'illusoire. Pour cela, l'ouvrage réalise, en
quelque sorte, une revue de question des différentes «
explications de notre corps proposées par les sciences et la
philosophie contemporaines » (ibid.).
Dans un premier temps, il se questionnera sur l'ambivalence
fondamentale du corps, car « le discours sur le corps ne peut
jamais être neutre : parler sur le corps, oblige à
éclairer plus ou moins l'autre de ses deux visages, celui
à la fois prométhéen et dynamique de son pouvoir
démiurgique et de son avide désir de jouissance, et, par
contre, celui tragique et pitoyable de sa temporalité, de sa
fragilité, de son usure et sa précarité. Toute
réflexion sur le corps est donc, qu'elle le veuille ou non,
éthique métaphysique : elle proclame une valeur, indique
une conduite à suivre, et détermine la
réalité de notre condition d'homme » (ibid., : 8).
Ce point de vue conduit évidemment à poser,
d'emblée, un système de valeur, une éthique :
peut-être le corps considéré comme «
libéré » ou en voie de libération dans la
société contemporaine (fin des années soixante
début des années soixante-dix) n'est-il qu'un
faux-semblant, qu'un leurre. Peut-être le fait de se tourner vers
l'intime individuel en pensant ainsi libérer le corps n'est-il
qu'une facette du problème. Sans doute même, cette
idée n'est-elle qu'un mythe, car le corps est plutôt un
construit social (conscient ou inconscient) ou du moins un dialogue
entre le social et l'individuel : « En définitive, la
civilisation occidentale contemporaine nous fait assister et, que nous
le voulions ou non, participer à une exhaustion du corps au
niveau d'un mythe prétendu libérateur qui, en fait,
pénètre et transforme l'expérience personnelle,
installant au cœur de notre être subjectif, le réseau le
poids aliénant des impératifs sociaux. […] Autrement dit,
nous voudrions démystifier une certaine image commune du corps
comme réalité close et intime […] et, au contraire,
souligner son ouverture et sa fonction de médiation sociale
» (ibid. : 14).
Á partir de là, Michel Bernard va recenser les grandes
théories des sciences biologiques ou humaines qui ont
contribué à construire ou à favoriser la
compréhension du corps contemporain.
La première partie du texte va donc explorer l'histoire des
théorisations de l'image du corps depuis la fin du XIXe
siècle, « de la cœnesthésie au schéma
corporel ». Ainsi, à partir de la conception des
premières théories liées à l'observation
expérimentale du membre fantôme, Michel Bernard
étudie comment se construit, notamment, à la suite de
Head, avec les travaux de Paul Schilder, une abstraction
théorique du corps appelée « Schéma corporel
». Mais, cette image théorique, cette abstraction se situe
surtout dans le domaine de l'action et ne paraît pas vraiment
prendre en compte l'aspect libidinal et émotionnel de
l'expérience corporelle, issu des travaux de Freud. En
conséquence, ce sont deux images du corps qui semblent au
premier abord irréductibles, auxquelles on se trouve
confronté.
On notera que la référence à la psychanalyse pour
comprendre les phénomènes corporels, en ce début
des années soixante-dix, demeure « révolutionnaire
», surtout dans les milieux de l'Éducation physique
où les approches rationalistes voire mécanicistes
demeurent le lot commun. Penser le corps comme une sorte de «
Ça » matériel et matérialisé,
à l'instar de Groddeck, est même sûrement une sorte
de provocation adressée à bon nombre de formateurs de
l'ENSEPS garçons (notamment ceux axés sur la performance
sportive).
La deuxième partie ne fait que complexifier et enrichir
l'analyse et rendre plus difficile encore la mise en place d'une
définition claire du corps. Là le corps est
étudié, notamment au travers des théories d'Henri
Wallon, relatives au développement de l'enfant, comme un
système de relation au monde, particulièrement dans la
perspective du dialogue tonique de l'enfant avec sa mère, mais
aussi dans celle de la prise de conscience de soi,
spécifiquement au travers du stade du miroir.
Puis le regard se tourne vers un corps « être-au-monde
» dont la conception est issue de l'approche
phénoménologique. Ce corps doit être pensé
avant tout comme un corps relationnel. Le corps dans la perspective
phénoménologique n'est pas clos, il est
nécessairement ouvert à autrui. Le corps dans ce contexte
n'est plus « corporéité mais “
intercorporéité ” » (ibid., : 53).
Cette deuxième partie s'achève enfin sur les conceptions
synthétiques de J de Ajuriaguerra, concernant le dialogue
tonique et surtout la méthode thérapeutique qui en
résulte : une thérapie du corps par le corps. Cependant,
ici encore, si l'analyse s'enrichit, elle semble trop faire fi des
processus totalement inconscients qui ont été
révélés par la psychanalyse et qui permettent
encore une autre perception de la corporalité.
La dernière partie cherchera alors à analyser le corps
dans une logique qui va « du fantasme au mythe ». Le corps
que met à jour la psychanalyse est bien un corps
fantasmé, non rationnel, pulsionnel, passionnel, libidinal qui
ne fonctionne jamais selon les lois de la logique, de la raison mais
bien plutôt selon sa propre logique. C'est donc une nouvelle
façon de percevoir la corporalité qui nous est ici
proposée.
L'étude du cas d'Elisabeth Von R., par Freud, sert de base
à une première analyse qui montre comment la
motricité peut être perturbée par un non-dit
pulsionnel. Ici, c'est la convoitise du mari de la sœur qui conduit
à une paralysie apparente, évitant finalement toute
possible expression corporelle du désir. Le fantasme, le
libidinal, est donc tout aussi constitutif de la représentation
du corps que le schéma corporel, l'image de soi, le dialogue
tonique ou tout autre système conceptuel. L'apport fondamental
de la psychanalyse consiste, en « rompant avec le point de vue du
biologiste, de n'envisager ce corps que comme un fantasme produit par
l'imaginaire et signifié par le langage » (ibid., : 80).
La démonstration, dès lors, glisse à la critique
du scientisme anatomique ou physiologique, en montrant que le corps des
médecins physiologiques n'est, finalement, qu'une partie du
corps vécu et représenté ou, plutôt, n'est
qu'une représentation du corps. Bien d'autres sont possibles :
« Ainsi pas plus que la physiologie (cette “ anatomie
animée ”, dit Fédida) qui, comme nous l'avons vu sur
l'exemple des douleurs d'Elizabeth von R…, met en jeu des désirs
inconscients et des significations symboliques, l'anatomie ne peut se
prévaloir de la vérité de son savoir sur le corps.
La médecine, qui le prétend généralement,
oublie que derrière ce corps comme objet anatomique et
physiologique se dissimule “ un corps d'enfance ”, le corps imaginaire
du désir. C'est ce corps qui a été enseveli par la
médecine devenue encyclopédie scientifique et technique
» (ibid., : 81).
Pourtant ce corps enseveli n'est finalement pour Michel Bernard qu'une
autre illusion rassurante. Le corps ne peut être pensé que
dans sa multiplicité, sa complexité, son amphibologie et
finalement son aporie. Aucune explication n'est vraiment exhaustive,
aucune explication n'est vraiment satisfaisante.
Ainsi, si l'approche psychosociologique enrichit encore les visions de
la corporalité, elle ne l'épuise pas plus que les
approches précédentes. L'érythrophobie (la peur
phobique de rougir), citée en exemple, permet de dégager
de nouveaux enseignements : le rôle du regard dans les relations
intercorporelles, la place centrale du visage, la labilité du
corps (qui déplace la turgescence et l'érection du
pénis au visage), c'est-à-dire le fait que le corps soit
plus fantasmagorique que réel, et la signification sociale du
corps. Ce dernier point sera encore mieux étudié au
travers du chapitre 9 intitulé « l'approche sociologique :
le corps comme structure sociale et mythe » (ibid., : 123). Ici
ce sont les références à Mauss (l'anthropologie
des techniques du corps), à E.T. Hall (la proxémique) qui
permettent de faire apparaître le « symbolisme social de
notre corps » (ibid., : 129).
Le corps dès lors ne peut plus être
considéré, dans une synthèse surplombante, que
comme « ouverture et carrefour du champ symbolique »
(ibid., : 133). Le corps devient même « le symbole de tous
les symboles existants ou possibles » et peut-être le lieu
d'ancrage de tous les mythes. On ne sera donc pas étonné
que l'ouvrage s'achève par l'analyse des « mythes du corps
» et par l'amplification dernière du concept de corps :
« Mythes religieux, médicaux, philosophiques,
idéologiques, autant de mythes qui hantent plus ou moins
consciemment notre pensée et qui dessinent en chacun d'entre
nous une image du corps que nos fantasmes personnels et la culture que
nous vivons modifient, enrichissent ou appauvrissent à leur
gré » (ibid., : 137).
Michel Bernard peut conclure en affirmant que « le corps que nous
vivons n'est jamais vraiment et totalement le nôtre, pas plus que
la manière dont nous le vivons » (ibid., : 139), que
celui-ci demeure, à l'âge adulte comme à celui
d'enfant, à l'instar des propos de Deleuze, « un habit
d'arlequin » fantasmatique « où ses pièces
bigarrées signifient le morcellement, non plus de nos zones
érogènes, mais des influences variées et parfois
opposées de notre culture protéiforme » (ibid., :
141).
Le Corps constitue ainsi, on le voit, une forme de révolution,
notamment dans le domaine de l'Éducation physique. Le corps ne
peut plus être perçu, à la suite de cet ouvrage
comme monolithique, comme un, mais bien, à l'instar des propos
de Bernard Xavier René, dans la revue Les Sciences de
l'Éducation pour l'Ere nouvelle, en 1990, comme multiple,
polymorphe, complexe. On suppute les remises en cause qu'une telle
vision a pu produire dans le monde de l'Éducation Physique des
années soixante où, très largement encore, une
vision anatomo-physiologique restait le fondement des études.
Michel Bernard, affirme avec cet ouvrage une altérité
à la pensée « unique » de l’ENSEPS d’alors,
mais aussi, sa propre place qui conduit à relativiser les
vérités sans perdre de vue une optique
émancipatrice, fondement de toute philosophie. Cet ouvrage
proclamant qu'il « est par contre, essentiel d'inventer et
contrôler un mode de culture, qui nous présente de ce
corps une image la moins aliénante possible, qui permette
l'expression libre de tous les corps dans leurs désirs et dans
leurs actions réciproques » (ibid.), ne pouvait que faire
date dans la décennie « du corps » qui a suivi mai
68. A l'inverse, sa longévité et le fait qu'il perdure,
comme ouvrage fondateur, dans l'actualité de ce nouveau
millénaire doit conduire à le regarder, finalement, comme
un « monument » de la philosophie et peut-être de
l'anthropologie de la fin du XXe siècle. Á coup
sûr, comme la base de toute recherche en science humaines et
sociales, en STAPS.
L'Expressivité du corps
S'attaquant à un problème aussi important, il
n'était pas possible que Michel Bernard, nous
entraînât avec lui dans une quête simpliste ou dans
un cheminement aisé. L'ouvrage L'Expressivité du corps,
paru en 1976, achèvement provisoire d'une thèse d'Etat
(ce qui explique qu'il se termine par un « entracte en forme de
conclusion »), est complexe, difficile, touffu et volumineux (417
pages). Il est composé de deux parties. La première
s'intitule « Vivre et exprimer : les discours sur la naissance de
l'expressivité et la naissance du discours sur
l'expressivité ». Elle s'intéresse à trois
points précis qui forment les trois chapitres qui la composent.
Le premier s'attache à montrer, avec une grande
érudition, comment, chez l'animal, l'expressivité
participe finalement de la phylogenèse et comment il s'agit d'un
processus visant à perpétuer l'espèce, mais aussi,
existant avec l'espèce. On constate cependant, là, que
plus le milieu et le répertoire moteur s'enrichissent, plus
l'expressivité devient plastique et compliquée et plus
aussi elle devient ritualisée et rituelle. Elle atteint chez les
espèces animales considérées comme les
dernières apparues, du moins comme les plus
développées une « plasticité et une
réafférence en quelque sorte prélinguistiques
» (ibid., : 404). Á ce niveau sont convoqués les
éthologistes et notamment K. Lorenz ou P. Leyhausen, dans le but
de montrer comment, même pour l'animal, l'expressivité
« s'offre comme un processus de dédoublement
supporté et même suscité par l'organisme
lui-même » (ibid.). Là s'engage aussi un
débat avec les philosophes et psychologues tels Klages et
Kirchoff visant à faire valoir que l'expression n'est pas
nécessairement liée, ab origine, à l'impression.
C'est au contraire la sélection naturelle qui a progressivement
infléchi et contraint l'expressivité animale à
signifier pour l'autre. Mais cette adaptation est relativement
récente.
Le deuxième chapitre de cette première partie, en tentant
de répondre au problème de l'ontogenèse de
l'expressivité humaine, étudie comment le nourrisson
construit un processus d'expression tout à fait différent
de celui de l'animal en raison d'un jeu s'organisant avec son propre
désir mais aussi avec un processus d'autoperception lié
notamment au stade du miroir. Là Gesell, mais aussi Dolto,
servent à monter comment l'expressivité s'enracine dans
la relation primordiale avec la mère.
Mais, la relation spéculaire est considérée
à partir de ce niveau comme responsable du processus fondamental
d'aliénation de l'expressivité. Le dédoublement
présent dans les dernières étapes du
développement animal est ici hypertrophié.
L'expressivité devient expressivité pour l'autre, elle
est totalement tributaire de l'impression. C'est pourtant
l'avènement du langage qui constitue corollairement le processus
de dédoublement le plus puissant. Si en effet l'image
spéculaire a biaisé le dialogue impression-expression en
le faisant glisser davantage du côté de l'impression,
c'est-à-dire de la signification, le langage accroît
encore ce déséquilibre. C'est au langage et à sa
toute puissance que l'expression du corps devient
aliénée. « Autrement dit, en accédant au
langage, l'enfant soumet la totalité de son comportement
à la loi de la communication et une communication a priori
faussée par la quête inconsciente du même, par la
réduction systématique des différences dans
l'échangeabilité du signe. D'où une
rationalisation inévitable du phénomène expressif,
désormais saisi et interprété dans son sens
même : il devient plus révélateur par ce qu'il
cache que par ce qu'il laisse apparaître » (ibid., : 405).
Enfin, le troisième chapitre de cette première partie,
consacré à la phénoménologie de
l'expressivité corporelle humaine (essentiellement alors chez
l'adulte), aboutit à une critique de la pertinence d'une analyse
phénoménologique dans ce domaine. La dualité du
système de l'expressivité ne peut en effet permettre de
le traiter au sens strict comme « phénomène
», ne serait-ce qu'en raison de la pression normalisatrice de la
signifiance du langage conduisant à la loi de
l'échangeabilité du signe. Le langage, tout comme «
l'impérialisme scopique du moi » (Bernard M., Mars 1977 :
8), remet en cause la possibilité même d'une analyse
phénoménologique. En effet, la libido et plus largement
la corporalité, ne sont finalement qu'effraction du signe, ou,
pour le formuler comme Baudrillard, « charnier de signes ».
L'on se retrouve donc là enfermé dans un cercle vicieux
où le langage parasite tant le discours sur le corps et le corps
lui-même qu'il devient impossible de penser l'expressivité
du corps hors du langage et du totalitarisme du signe langagier.
C'est pourquoi, la deuxième partie retournera au langage et au
discours tenu sur l'expression et l'expressivité corporelle. Les
trois chapitres qui la constituent s'intéressent tout d'abord
à la « sémanalyse de l'expressivité
corporelle : le pouvoir du signe et les ruses du discours ». Il
s'agit là de voir comment, à la suite de Kristeva, de
Baudrillard et de bien d'autres, le signe est lié à
l'accroissement de la marchandise et comment lui-même est
peut-être marchandise. Comment aussi le langage est
aliénation du corps et comment le signe se dissout dans le
langage. Au minimum, « au niveau du discours, le concept
d'expressivité est donc le produit d'une intertextualité
contradictoire qui ne fait que refléter la nostalgie de
déconstruction inhérente au processus de signifiance
linguistique » (Bernard M., 1976 : 311).
Le deuxième chapitre de cette partie se centre sur un objet qui
paraît pouvoir faciliter les conclusions concernant
l'expressivité du corps et l'expression : « la voix :
structure cruciale et lieu équivoque ». La voix en tant
que « chair » du langage est en effet
particulièrement intéressante à étudier par
les similitudes qu'elle peut avoir avec l'expressivité du corps,
mais aussi par le fait qu'elle participe à cette
expressivité : « Le son se fait sens, ce sens non
seulement ne quitte pas le corps, mais y résonne, en tire
continuellement sa substance, bref, s'y incarne si bien qu'à
vouloir l'en détacher et le projeter dans la forme abstraite,
neutre et anonyme de l'écriture, c'est diminuer sa transparence,
l'obscurcir et, en définitive, le faire autre » (ibid. :
312). Dès lors, comme le fait Merleau-Ponty, considérer
l'expression corporelle comme le « langage du silence » est
une erreur fondamentale puisque l'expression corporelle est une «
transvocalisation ». « Comme corps », en effet,
« elle ne peut être langage stricto sensu et comme
expression elle n'est que le pouvoir implicite de la voix qui suscite
et soutient l'expressivité de toutes les structures corporelles
et par conséquent en détruit virtuellement le silence
apparent » (ibid., : 360).
Le langage du corps, de ce fait, n'existerait pas vraiment dans la
société contemporaine. Le corps serait entièrement
façonné par le langage. Mais, sur ce point au moins deux
thèses s'affrontent, l'une pense l'expressivité du corps
comme contrepoint nécessaire et logique du langage, l'autre
(notamment chez Lowen, Perrakos, la bioénergie) comme « sa
subversion radicale et son substitut légitime » (ibid., :
411). La position de Michel Bernard ne se situe ni dans l'un ni dans
l'autre camp, mais adopte un regard suplombant pour finalement affirmer
que « la classification de tous ces discours révèle
que le concept d'expressivité corporelle relève toujours
d'un même processus de travail du signe sur lui-même : le
signe est miné par la nostalgie de sa déconstruction afin
de mieux assurer et accroître son pouvoir. Ce processus de
déconstruction […] a permis l'élaboration d'une structure
expressive formelle composée de quatre éléments
autour desquels se sont développés et ordonnés les
différents opérateurs de tout discours sur
l'expressivité corporelle : une dynamique, une
différence, une immanence, une perception » (ibid.). Dans
tous les cas cependant l'expression corporelle demeure fondée
sur un dédoublement dynamique et un double.
La voix est, de ce point de vue, la charnière expressive de
cette déchirure entre corps et langage, langage et corps. Un
long développement s'intéresse à cette structure
particulière qui est « simultanément lieu de
l'éclatement sauvage du corps et du langage et de sa
récupération par celui-ci » (ibid., : 413). La voix
est intéressante parce qu'elle permet de mieux comprendre ce
qu'est l'expressivité du corps. Finalement elle la
matérialise car elle en est l'archétype, le parangon. Sa
place dans les mythes est étudiée et favorise la
compréhension de ce qu'elle est vraiment et donc de ce qu'est,
en définitive, l'expressivité du corps : « La voix
par les fantasmes qu'elle véhicule, paraît n'être
que régression, rappel des origines. D'où la place
privilégiée qu'elle occupe dans différents mythes,
dont elle constitue, au fond, l'archétype majeur : si le mythe
est la nostalgie idéalisée d'une unité originelle,
la voix ne peut être qu'un perpétuel renvoi de mythe en
mythe de fantasmes en fantasmes jusqu'à ces êtres
mythiques par excellence que sont les pulsions » (ibid). Il est
possible d’extrapoler ce propos de la voix à l'expression
corporelle et, plus généralement, à
l'expressivité du corps. Il en résulte donc l'idée
que ce qui se perçoit aisément au niveau de la voix
pourrait trouver toute sa signification pour l'expressivité du
corps. La voix porte le langage et le corps. L'expressivité du
corps porte le langage et le corps : « En définitive,
toute expressivité est la résultante de la structure
archétypique du processus vocal, l'effet d'une transvocalisation
dans la mesure où la région corporelle qui est
censée ex-primer participe de ce dédoublement implicite
produit par le rejet vocal et de la dynamique pulsionnelle de
jouissance narcissique qui l'anime. Seul l'impérialisme du
regard a pu occulter cette filiation et cet enracinement organique en
le projetant sur la surface neutre, homogène et apparemment
silencieuse du monde visible offert au pouvoir illimité des
manipulations sémiotiques et des ruses idéologiques
» (ibid., : 415).
C'est à la généalogie historique de cette
structuration de l'expressivité du corps que s'attache le
dernier chapitre. Il s'agit d'étudier comment « les
artifices corporels du langage et les alibis linguistiques du corps
» (ibid. : 362) se sont construits au travers d'une
éducation à la théâtralité depuis la
Renaissance notamment. Et là, encore une fois, l'œuvre de Michel
Bernard rencontre la problématique du corps et de
l'Éducation : « Cette dialectique entre langage-corps et
corps-langage dont la voix est la charnière et
l'expressivité l'enjeu et la justification, n'est autre, en
définitive, que celle du processus de la
théâtralisation du corps produit par l'éducation
depuis la Renaissance » (ibid., : 361).
Un premier temps revient sur la problématique de la
théâtralité et de la voix au travers d'auteurs
comme Lyotard, Deleuze ou Kristeva pour insister sur le fait que la
lettre s'inscrit dans le corps tout comme le corps formule la lettre.
Autrement dit, que verbe et corps sont totalement indissociables. La
référence à Deleuze est assez claire : «
d'où l'apparence de mimétisme […] soulignée par
Deleuze : “ si les gestes parlent, écrit ce dernier, c'est
d'abord parce que les mots miment les gestes ” ; il y a “ une pantomime
intérieure au langage, comme un discours, un récit
intérieur au corps ” » (ibid., : 387). Ce premier temps
aboutit à une définition de la
théâtralité assez complexe qui s'oppose et discute
celles de Barthes, de Kristeva ou même de Deleuze : « La
théâtralité désigne, par conséquent,
la connivence qu'introduit entre le corps et le langage
l'ordonnancement ou mieux la disponibilité des structures
ex-pressives du corps, créées par transvocalisation aux
exigences impérieuses du pouvoir signifiant » (ibid., :
389).
Cette connivence et cette disponibilité, se seraient selon
Michel Bernard appauvries au cours du temps. L'appauvrissement le plus
marquant en étant la fabrication d'artifices : le personnage et
le masque.
Historiquement, ce sont les Collèges jésuites et
l'éducation jésuite qui auraient le plus contribué
à cet appauvrissement. L'importance du théâtre dans
la formation jésuite témoigne de la valeur
accordée à la « théâtralisation
» de l'expressivité dans le processus éducatif,
théâtralisation qui pourrait être le vecteur le plus
efficace du modèle théologique (la
théâtralisation serait finalement une sorte de rite
religieux sans dieu, mais visant à faire exister la
pensée théologique). Et lorsque l'on sait que c'est
largement dans le collège jésuite que s'enracine tout le
système scolaire français actuel, on peut comprendre avec
l'auteur que l'étude généalogique de cette
théâtralité dans l'éducation soit à
réaliser.
La pratique des exercices corporels dans les collèges
jésuites correspondrait également à cette
théâtralisation de l'expressivité du corps visant
à l'appauvrir au regard de ses fondements « naturels
». La civilité, vers laquelle tendent ces pratiques,
participe finalement d'une régularisation, d'une normalisation
de l'expressivité du corps : « Il y a ainsi une
corporéité réglée par l'éducateur
pour le regard, pur artifice qui déréalise la nature, en
l'occurrence la spontanéité psychomotrice de l'individu,
pour imposer le spectacle d'une réalité nouvelle
entièrement normée culturellement dépourvue de
toute singularité et contingence » (ibid., : 394).
Michel Bernard retrouve donc finalement là toutes les critiques
des années soixante et soixante-dix et particulièrement
celles de Guy Debord, concernant la spectacularisation et la
spécularisation du monde et, ainsi, l'aliénation de
l'individu au regard de sa « nature » initiale. On peut
mieux situer, dans cette perspective, la conclusion concernant la
pédagogie jésuite : « La pédagogie
jésuite opère ainsi subrepticement la sublimation de
celle-ci [la jouissance libidinale], dans un plaisir scopique
réglé. En somme la théâtralité mise
en œuvre réalise l'appropriation et la domestication du plaisir
corporel par sa spectacularisation. Domestication systématique
et complète dans la mesure où la vigilance sourcilleuse
des éducateurs s'exerce non seulement sur la gestualité,
de la grâce et de la décence, mais aussi sur la voix et le
langage qu'elle transmet » (ibid., : 395).
C'est ce processus précis que l'on retrouverait dans tout le
système éducatif, notamment à la suite de
Jean-Baptiste de la Salle et des Frères des Ecoles
chrétiennes, mais aussi au XXe siècle, de manière
plus subtile et plus dissimulée dans les méthodes actives
d'éducation ou, pour le dire autrement, dans « les
pédagogies nouvelles ». Contrairement aux apparences, les
méthodes Freinet ou Decroly ne seraient pas libératrices
des corps et de l'expressivité des corps mais
régularisatrices, normalisatrices. Le jeu fréquemment
utilisé dans ce contexte servirait davantage à asservir
qu'à émanciper.
Partir de l'expression de l'enfant serait en définitive un
subterfuge visant à exploiter cette expression dans une
perspective de domination aliénante. Les méthodes
nouvelles d'éducation en instaurant une
théâtralité normalisatrice du corps conduiraient
donc davantage à dompter l'expressivité qu'à la
favoriser. Il convient donc de réaliser, du point de vue de
l'expressivité du corps et de la théâtralisation,
une remise en cause totale du système d'éducation :
« Autrement dit, si, comme l'ont génialement pressenti les
Jésuites bien qu'en en faussant l'interprétation à
leur profit, toute éducation est nécessairement
théâtrale en tant que rapport intercorporel
médié et façonné par un langage
lui-même formalisé et finalisé par une
idéologie, le dévoilement et la restauration de
l'intégralité et de la matérialité du
processus théâtral et de l'expressivité qui le
constitue devient, à nos yeux, l'amorce d'une subversion
radicale de l'éducation. » (ibid., : 401).
On comprend dès lors, que l'ouvrage se ferme, après un
résumé de l'ensemble de la démonstration, sur
cette phrase d'un radicalisme inactuel : « En définitive,
il n'y aura, pour nous, de révolution acceptable et durable que
par la subversion radicale du concept d'éducation par
l'invention simultanée d'une nouvelle pratique corporelle du
langage et d'un nouveau discours sur le corps, bref la création
d'une autre théâtralité » (ibid., : 417).
L'Expressivité du corps, on le voit, poursuit la quête
entreprise dans Le Corps. En arrière plan elle exprime le fond
philosophique fondamentalement nietzschéen, foucaldien et
peut-être même « la métrien » ou «
diogénien » de Michel Bernard. Si les premiers auteurs ne
peuvent penser l'esprit sans le corps et les derniers l'âme sans
le corps, finalement Michel Bernard dans l'environnement «
linguistique », « sémiologique » qui est le
sien, nous explique qu'il n'existe pas de corps humain sans langage, de
corps humain sans culture et qu'il est impossible de le penser hors de
cette dialogique fondamentale. En fin de compte, il retrouve là
la tradition anti-dualiste de la philosophie dont un des
représentants éminents, actuel, ayant participé au
numéro III de Corps & Culture, est Michel Onfray. La
différence pourtant réside dans le positionnement
hédoniste. En effet, si Onfray associe à sa philosophie
« matérialiste » le « plaisir », tel
n'est pas nécessairement le cas de Michel Bernard. Ce dernier
pense en quelque sorte ailleurs. Il propose une alternative et
peut-être même une altérité à un
système social fondé sur la domination de « la
nature » par la culture qui cherche à re-situer le premier
terme à sa juste place sans pour autant péjorer le
deuxième.
Finalement L'Expressivité du corps n'en appelle-t-elle pas
à l'équilibre épicurien des premiers temps ?
En dernier lieu, enfin, ne voit-on pas transparaître
derrière ce positionnement théorique le trajet personnel
et le positionnement institutionnel de Michel Bernard entre le langage
et le corps ?
Critique des fondements de l'Éducation
La critique des fondements de l'éducation se situe
tout droit dans le prolongement du dernier chapitre de
L'Expressivité du corps, un peu comme si toute l'œuvre de Michel
Bernard était l'emboîtement d'une seule immense
thèse qui cherche à débusquer sur quelles bases
fondamentales s'est construite l'institution scolaire française.
Le corps n'est pas absent de cette recherche, la perspective
théologique déjà apparente dans le premier ouvrage
de l'auteur La philosophie religieuse de Gabriel Marcel, (1952), qui
n'a pas été évoquée dans ce texte, car trop
éloignée de son thème central, perspective
réactivée dans L'Expressivité du corps, non plus.
Au contraire, c'est cette vision qui anime fondamentalement toute la
réflexion entreprise dans l'ouvrage.
Mais de quoi s'agit-il ?
Rien moins qu'un trajet de près de trois mille ans d'histoire
cherchant à débusquer quelle est la ruse tapie au fond de
toute éducation et de toute perspective éducative. Depuis
la Grèce Antique jusqu'à nos jours, Michel Bernard nous
guide, comme l'a fait Nietzsche pour sa Généalogie de la
morale (mais là il s'agit de la construction de notre
système moral), sur une piste où il souhaite nous montrer
comment l'acte d'éduquer va se construire comme une valeur
absolue, en définitive, de l'ordre du divin, comme une valeur
qui ne saurait être discutée. Cette démarche, bien
sûr, le conduit de nouveau à la notion centrale de «
théâtralité », c'est-à-dire à
l'idée que l'éducation, finalement, ne serait que
simulation. D'où l'idée qu'il s'agit bien de l'«
impouvoir » d'un discours : le discours éducatif qui,
finalement cherche à produire ce qui n'est qu'apparence mais qui
n'existe pas réellement. L'Éducation s'est
elle-même accréditée comme nécessaire, comme
indispensable, au cours du temps mais sa seule justification
réside, en fait, dans son propre discours. Autrement dit,
l'Éducation n'est pensée comme nécessaire que
parce qu'un discours la fait penser comme nécessaire.
« Si l'on veut rendre quelque peu crédible un
procès de l'éducation, il convient d'interpeller non plus
seulement son culte et son apparat liturgique, son magistère et
sa structure hiérarchique, sa prédication et son mode
d'évangélisation, son dogme et sa rationalisation
théologique, mais la foi même qui l'anime et la justifie
au sens fort du mot : seule une interrogation aussi insolite et
irrévérencieuse peut dévoiler la contingence et la
précarité foncières et réelles du
désir apparemment irrépressible et assuré de
l'éducateur. » (Bernard M., 1988 : 260).
On voit apparaître dans ce qui précède, tout le
projet mais aussi toute la destination de l'ouvrage. Il s'agit de
permettre aux éducateurs et, peut-être même aux
chercheurs en sciences de l'Éducation, de
réfléchir sur la nature foncièrement religieuse du
processus éducatif, de l'acte d'éduquer.
L'Éducation est en effet, selon l'auteur, avant tout une
croyance dans un pouvoir et vice-versa, l'expression du pouvoir d'une
croyance.
Michel Bernard, un peu à la manière des derniers ouvrages
de Michel Foucault sur la sexualité, va donc remonter à
la source de cette croyance et de ce pouvoir pour tenter de mieux les
cerner.
En s'appuyant, dans un premier temps essentiellement sur deux ouvrages
celui de Jaeger : Paideia. La formation de l'homme grec et celui de
Marrou : Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, il va
tel un archéologue creusant l'épaisseur du discours,
tenter de débusquer la couche d'où naît tout le
système éducatif moderne. Selon Michel Bernard, les Grecs
« ont réellement créé et forgé le
concept d'éducation grâce à une triple
amplification sémantique qui fait implicitement d'une simple
technique empirique et contingente d'élevage où d'aide
à la croissance d'un enfant un processus normatif et rationnel
à la fois universel et nécessaire, singulier et collectif
et, in fine, paradoxalement mythique et religieux » (ibid., :
266).
Il s'emploie tout d'abord à démontrer la parenté
de notre système avec l'hellénisme dans un premier
chapitre intitulé : « Naissance d'une conceptualisation et
d'un mythe ». Il retrouve d'ailleurs là très
précisément Foucault en entérinant le fait que le
sujet, individu, naît de la Grèce antique. Mais il va plus
loin en nous permettant de percevoir que cet individu, dès lors
qu'il existe, doit trouver les moyens pour se « fabriquer
lui-même » en quelque sorte. Mais bien sûr, il ne
s'agit pas de se fabriquer n'importe comment. Au contraire, il convient
d'atteindre à la personnalité la plus parfaite à
tous points de vue (physique, moral, intellectuel) dans la perspective
de la cité. L'éducation de la propaideia
(propaidéia) à la paideia (paideia), permet pour partie
cela, notamment dans les perspectives platoniciennes. Mais ce qui est
plus important encore, c'est que l'éducation ne sera plus
à partir de ce point de départ et dans ce contexte
considérée comme pour partie aléatoire et
donnée plus ou moins par les dieux, la nature…, mais au
contraire, elle « apparaît dorénavant comme une
activité réellement intentionnelle et relativement
autonome. Elle n'est plus l'effet plus ou moins aléatoire d'un
déterminisme de reproduction sociale, mais d'abord une
visée individuelle sinon nécessairement et parfaitement
programmée du moins réfléchie et rationnelle par
laquelle un être humain assure et imprime son pouvoir sur un
autre ou un groupe restreint (ou large) ou, à la limite, sur
lui-même » (ibid., : 30).
On retrouve, ici, comme dans les ouvrages précédents, la
volonté de trouver au plus loin dans le passé les limites
finalement de la nature et de la culture, de « l'animalité
» et de « l'humanité », le point aussi
où la culture devient notre culture. Dans L'Expressivité
du corps, cette limite se situait à la frontière de
l'animalité, dans Le Corps elle partageait le biologique et le
psychosociologique, ici elle sépare les mondes
préhelléniques et le monde grec.
Cette séparation s'accomplit avec la promotion du
façonnage individuel par l'éducation. Mais elle
s'amplifie au cours du développement de la civilisation
hellénique par l'hypertrophie progressive du pouvoir
accordé au langage, au verbe, comme modificateur puissant de
l'Homme. Et, là encore, on retrouve ce pouvoir quasi
aliénant du langage décrit dans L'Expressivité du
corps. C'est cependant en raison de cette omnipotence quasi universelle
accordée au langage que la notion d'Éducation va, elle
aussi, se retrouver dotée d'universalité et d'un pouvoir
total. Ce pouvoir absolu est largement lié au glissement de sens
qui s'opère pour le terme « éducation ». En
effet, si celui-ci est un processus au début de la civilisation
hellénique, il devient très rapidement un produit, au
cours du temps. Autrement dit, le terme contient dès lors son
pouvoir en lui-même. Le processus est lié au produit,
comme le produit rend nécessaire le processus.
L'Éducation, à partir de cette période, n'a plus
besoin d'être justifiée, elle se justifie par
elle-même. Elle est donc devenue croyance fondamentale dans la
réalisation de l'humain. Par contre, ses formes vont être,
au cours du temps, mais toujours sur les bases de ce dogme,
considérablement réorganisées.
Deux transformations ou plutôt récupérations sont
évoquées au deuxième chapitre : « Deux
modèles de récupération ou les effets
équivoques d'une double osmose ». Une première
transformation a lieu dans l'appropriation que fait la Rome antique de
l'hellénisme. Il ne s'agira plus pour les romains de fabriquer
par l'éducation l'Homme universel mais bien le Romain. Ainsi de
l'idéalisme grec on passe progressivement à une
normalisation et à une régularisation simplificatrice
à but essentiellement utilitaire. La différence
également qui distingue l'Éducation grecque de
l'Éducation romaine réside dans sa structuration
étatique, rationnelle mais aussi, sa structuration dans la
perspective étatique. C'est ainsi que se met en place «
une authentique politique scolaire » notamment sous
Dioclétien. Á partir de Théodore II est
créée, à Constantinople, la première
véritable université d'État jouissant du monopole
de l'enseignement supérieur dans la capitale. Dès lors
est mis en œuvre « un second mécanisme connexe de
récupération tout aussi lourd de conséquence et
même plus radical : celui de la planification temporelle de
l'éducation ou, si l'on veut, d'une stratégie rationnelle
et prévisionnelle de la temporalité, en somme un embryon
de prospective pédagogique » (ibid., : 49).
Mais les Romains transforment également l'Éducation sur
le fond en attachant de plus en plus d'importance au verbe et de moins
en moins au corps. La paidéia (paideia) hellénique
faisait une place importante au corps. Il n'en est plus de même
de l'éducation romaine. Seul le verbe est important. La palestre
et autres lieux de pratiques corporelles sont voués aux
gémonies. Seule demeure une pratique spectaculaire dans le
cirque et une pratique militaire. Mais ces deux pratiques sont
dissociées du processus éducatif au sens strict. Ainsi :
« Le processus latin de subversion du corps grec nous
paraît non seulement significatif, mais absolument exemplaire de
la place et du rôle de Rome dans la généalogie du
discours éducatif actuel » (ibid., : 52).
L'éducation romaine fera donc passer d'une éducation
pragmatique à une éducation au logos, bien plus
axée sur le savoir, mais aussi d'une éducation non
fixée temporellement à une éducation de plus en
plus structurée dans le temps, d'une subordination de
l'humanitas à la romanitas et enfin d'une acceptation d'une
culture corporelle à sa perte.
Pourtant, les transformations opérées par
l'Université médiévale sur les formes du
système d'éducation sont sans doute les plus importantes
et l'auteur se demande même si elles n'en modifient pas la nature.
En effet, c'est au travers de l'Éducation chrétienne et
de la bible que bon nombre de peuples européens vont
découvrir le livre et le processus éducatif mis en place
initialement en Grèce. Aussi le savoir au travers de
l'Éducation médiévale, essentiellement religieuse,
va acquérir un « caractère religieux ou
sacré » (ibid., : 65). Ce postulat axiologique ne quittera
jamais l'éducation en France, même lorsqu'elle deviendra
laïque. Mais un deuxième trait marquant sera que
l'Éducation reposera d'abord sur l'acquisition d'un langage
(celui des Saintes Écritures). Au-delà,
l'université médiévale opère un mouvement
qui relie de plus en plus pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Elle
s'organise donc, comme l'État avec une hiérarchie et un
système de domination. Ainsi, « la raison scolastique
devient le masque de l'absolutisme du pouvoir clérical »
(ibid., : 266) par la jonction de l'État et de l'Église.
C'est ce que tente de démontrer le chapitre trois de l'ouvrage,
intitulé : « La raison comme masque ou le simulacre
clérical ».
Mais, trois faits sont également à noter, au cours de la
période médiévale, qui seront remis en cause au
cours des périodes suivantes. D'une part, l'absence de gradation
des enseignements (il n'y a pas vraiment de progression), d'autre part
la simultanéité des apprentissages (il n'y a pas
véritablement d'ordre chronologique) et enfin et surtout, le
mélange des âges. Contrairement au système actuel,
le système médiéval ne respecte pas vraiment des
catégories d'âge. Ces catégories n'adviendront
qu'à la fin du XIXe siècle. C'est ainsi que Michel
Bernard peut affirmer l'ambivalence de l'Éducation
médiévale. Á la fois rationnelle et irrationnelle,
hiérarchisée et bigarrée, souple et rigide. Il
n'en demeure pas moins que la nécessité d'éduquer
n'est en aucun cas remise en cause par elle, au contraire. Le dogme
fondamental et fondateur demeure. Le discours se doit de croire en
lui-même et se construit pour accroître cette croyance en
lui-même.
Ce qui semble toutefois important à mettre en évidence au
cours de cette période, c'est le début d'une
théâtralisation croissante de l'acte d'enseignement.
Celle-ci cependant sera surtout le lot de la Renaissance. C'est de
cette période que traite le chapitre IV intitulé «
Une “ libido educandi ”et son urbis : normalisation et
théâtralisation ».
La Renaissance ou, pour le dire comme Michel Foucault, l'Age classique
va poursuivre la célébration du culte de
l'Éducation, va accroître sa religiosité en en
structurant la liturgie et l'apparat. En effet c'est avec
l'organisation du collège que l'éducation quitte, de plus
en plus, le noyau familial ou l'espace religieux et s'autonomise dans
un lieu spécifique. En outre, la période de la
Renaissance sépare encore davantage le sens du mot : «
éducation », de sa signification première d'un
processus, en la dotant d'une connotation sublimée et totale. La
célébration de ce culte est très claire, selon
Michel Bernard, chez Rabelais ou Montaigne. L'Éducation devient
finalement le plus grand bien qui soit, le plus grand aboutissement
possible de l'individu. Mais cette éducation, de plus en plus,
sera pensée comme désirée par l'individu, par
l'enfant lui-même. Ce sont des mauvaises méthodes qui sont
supposées détourner l'enfant du désir d'être
éduqué et non la nature même de l'enfant.
Le collège jésuite transforme non seulement la relation
pédagogique mais aussi la forme de l'Éducation en la
rationalisant encore davantage. C'est lui qui crée des divisions
de l'espace particulières. C'est lui aussi qui fixe la notion
d'emploi du temps. C'est encore lui qui rationalise les conduites des
élèves. C'est surtout lui qui réalise le codage
instrumental du corps. Le collège jésuite est aussi
à l'origine de l'organigramme scolaire (l'administration
enseignante), du programme et de l'unité de la pédagogie.
Bien sûr, il accentue encore la théâtralisation de
l'acte d'enseignement. Chacun va jouer de plus en plus un rôle
précis et déterminé d'avance. Chaque
élève et chaque maître devra se soumettre à
un simulacre institué où son rôle est défini
par l'institution. C'est ainsi que « l'éducation va
progressivement s'instituer comme un jeu théâtral virtuel
et permanent » (ibid., : 113). Il est logique, dans ces
conditions, que le collège apparaisse à Michel Bernard
comme le lieu de « l'instauration de la relation éducative
même comme processus permanent de simulation » (ibid., :
115).
On voit donc que, pour l'auteur, on passe de plus en plus, au cours du
temps, d'une éducation spontanée et pour ainsi dire in
vivo à une éducation de plus en plus in vitro,
c'est-à-dire coupée de la communauté originelle,
voire de la nature originelle. L'instauration des figures
hiérarchisées, de l'adulte à l'enfant, constitue
le fondement de cette dynamique. Mais, le fond religieux de
l'éducation n'est pas remis en cause par cette structuration
drastique et cette rationalisation, à tout point de vue, au
contraire. Elle ne sera pas non plus paradoxalement
reconsidérée à la suite de la Révolution
française. Le titre du Vème chapitre exprime d'ailleurs
assez bien cette continuité en montrant comment « une
intrigue cousue de fil tricolore ou les artifices de la
mimétique d'un conflit » ne modifient pas radicalement ce
qui a été instauré par les frères des
Ecoles Chrétiennes et précédemment par les
Jésuites.
En effet, le prolongement des collèges jésuites peut
être trouvé dans les petites écoles
instaurées par Jean-Baptiste de la Salle à la suite de la
création de son ordre d'enseignement des « frères
des Ecoles chrétiennes » (autour de 1680). Ces
écoles, gratuites, trouveront un succès important sur
lequel finira par s'appuyer la Révolution française.
Mais, bien sûr, la démocratisation de l'Éducation,
qu'elles opèrent, ne les conduit à reconsidérer ni
leur mode d'action ni surtout, la théâtralisation qui a
été amplifiée par l'université
médiévale, puis le collège jésuite.
La Révolution est considérée, par Michel Bernard,
comme un artifice quant à la problématique du changement,
car elle ne transforme, en aucun cas, les bases du système
d'enseignement. Au contraire elle entérine l'existant et en
accroît finalement la puissance en le sécularisant.
Autrement dit, la perspective chrétienne d'une éducation
devenue croyance absolue est dissimulée derrière le
masque de la sécularisation. Talleyrand, Condorcet, Mirabeau, Le
Pelletier de Saint Fargeau « se calquent objectivement, peu ou
prou, malgré une rhétorique radicale, égalitaire,
libertaire et communautaire […] sur la normativité des
modèles scolaire et familial antérieurs. En fait, dans
les domaines éducatifs plus qu'en tout autre, la
Révolution se pose en ravisseuse et non en destructrice : il
s'agit d'arracher le pouvoir d'éduquer à l'Église
et non d'accuser et de proscrire le modèle clérical de ce
pouvoir » (ibid., : 267). Car finalement on se contente de
substituer « à la morale du dogme chrétien […] la
morale républicaine [mais] en gardant néanmoins la
structure et la méthode de l'enseignement religieux et par
là même le souci de provoquer une foi » (ibid., :
141). Et même si des tentatives sont mises en place, dans
certains lieux, visant à créer un enseignement mutuel, la
liturgie religieuse reste très massivement présente (ce
que Foucault a décrit sous les axes princeps du rang, du
quadrillage, du silence et de l'immobilité).
Le conflit profond qui partagera les partisans de l'École
religieuse et de l'École républicaine, à partir de
la deuxième moitié du XIXe siècle, n'est donc
perçu, par Michel Bernard, que comme un simulacre ou comme un
artifice dans un système mimétique, c'est-à-dire
dans un débat où il s'agit d'abord de ressembler à
l'autre. L'École de Jules Ferry, en ce sens, bien que devenant
laïque, conserve tout l'apparat et la liturgie de l'École
chrétienne, de l'École religieuse, mais aussi le fond
d'une croyance absolue dans les processus d'éducation
institués : « La tragi-comédie de la question
scolaire au XIXe siècle accomplit pour ainsi dire, dans sa
contingence historique singulière, la destinée inscrite
dans l'essence même du phénomène éducatif :
sa laïcisation institutionnelle apparente consacre sa
cléricalisation réelle et fondamentale » (ibid., :
160).
L'anticipation de l'École primaire par l'École Maternelle
à la suite des actions notamment de Pauline Kergomard, ne remet
pas davantage en cause le dogme fondateur du système
d'éducation : « L'école maternelle fonctionne
grâce à la collusion objective d'un double discours :
celui du panscolarisme républicain et celui du
puérocentrisme rousseauiste. On peut donc affirmer
paradoxalement qu'elle constitue simultanément la manifestation
la plus évidente de la force et de la faiblesse, du pouvoir et
de l'impouvoir du système éducatif de la fin du
siècle : sa force ou son pouvoir dans la mesure où elle
concrétise l'extension de l'entreprise normative de
l'école (et par conséquent de l'État)
jusqu'à la première enfance tout en se prévalant
d'être un lieu privilégié d'éducation
proprement dit et, par conséquent, d'épanouissement de la
liberté de l'enfant ; sa faiblesse ou son impouvoir, par contre,
dans la mesure où cette intentionnalité éducative,
cette liberté tend à subvertir implicitement la
rigidité du modèle scolaire et sa visée didactique
et disciplinaire » (ibid., : 175). L'école maternelle, en
ce sens constitue « la mauvaise foi » inévitable du
système scolaire, sa duplicité originelle qui vise
à faire « croire en », tout en affirmant
émanciper de la croyance. Ici d'ailleurs, Michel Bernard
retrouve d'une autre façon les thèses de Daniel Hameline
dans Le domestique et l'affranchi. L'École tient un double
discours simultané : aliéner et libérer,
domestiquer et affranchir, ou pour le formuler autrement : silence et
immobilité, mouvement et bruit. On comprend donc, dans cette
optique, que le concept « d'enfant » soit, dans le discours
de l'école, considéré comme
particulièrement ambiguë, puisqu'il sert à
créer un système de normalité anormale. On
comprend aussi que ce concept serve, finalement, à créer
un standard scientifique normalisateur alors que son but initial, chez
Rousseau, était peut-être d'accepter celui-ci tel qu'il
est, c'est-à-dire différent de ce que l'on souhaiterait
qu'il soit.
Finalement le discours de l'École républicaine, de
l'École maternelle ou de celle de Jules Ferry ne sera pas
reconsidéré au cours du XXe siècle, il sera
simplement reformulé, décliné selon de nouvelles
apparences. Les deux derniers chapitres de l'ouvrage sont
consacrés à ces avatars de surface, qui ne
reconsidèrent pas fondamentalement le problème. Leurs
titres, d'ailleurs, le formulent assez bien puisque le chapitre VI est
intitulé : « Les avatars de la mythologie
néo-rousseauiste ou l'ironie d'une succession » (ibid.,
:181) et le chapitre VII : « Les dés pipés ou les
mécanismes d'un procès truqué » (ibid., :
207).
« L'apogée de la religion de l'École » ayant
été réussie par « l'exclusion de la religion
de l'École » (ibid., : 268), on comprend que les
pédagogues des méthodes dites actives — et ici Michel
Bernard retrouve les thèses déjà
ébauchées dans L'Expressivité du corps — ne
peuvent pas remettre fondamentalement en cause ce système
dogmatique dont ils ont hérité. Ils n'ont donc plus
qu'à tenter de donner des formes plus présentables pour
leur temps, mais qui ne reconsidèrent ni la
théâtralisation de l'institution ni sa fondamentale
simulation et duplicité. Ferrière, Freinet , Cousinet ou
Claparède, Lobrot, dans leurs propositions innovantes, ne sont
pas considérés comme de véritables transformateurs
de l'institution puisqu'ils ne touchent pas finalement à son
dogme constitutif : la croyance dans l'éducation. La critique
qu'ils réalisent en acte ou en discours reste donc une critique
de surface.
La radicale critique illichienne (Une société sans
école) ne trouve pas davantage grâce aux yeux de Michel
Bernard qui constate que finalement les outils par lesquels Ivan Illich
prétend remplacer l'école ne constituent pas une
véritable déscolarisation : « ils consacrent,
certes, la fin de la souveraineté de l'école en tant
qu'institution éducative standardisée et monopolistique,
mais non nécessairement la fin de l'inversion de la
scolarisation comme processus de production industrielle de tout
apprentissage, comme modèle et mythe formatif par excellence
» (ibid., : 257). En outre, non seulement elle ne remet pas en
cause « la nécessité de la foi en
l'éducation » (ibid., : 258), mais elle la renforce encore
en l'autonomisant du système institutionnel qui l'a
portée. En quelque sorte, cette fois, elle
dé-sécularise l'éducation pour la renvoyer
à l'ordre du divin, du religieux mystique.
Finalement, ce parcours de quelque vingt-cinq siècles nous
décrit comment s'est construit un système mythologique,
un système de « croyance en la valeur absolue de
l'éducation », autrement dit en la nécessaire
transformation d'une « nature » en une « culture
». On retrouve donc là encore tout le fond constitutif de
l'œuvre de l'auteur. C'est un mythe ou un fantasme contemporain
concernant la « fabrication » de l'Homme qu'étudie
l'auteur. Certes, cette fois il ne s'agit pas d'un mythe corporel, mais
plus globalement d'une perspective anthropologique. Cependant, si l'on
étudie bien ce qui se dit ou ce qui se cache en arrière
plan lointain du discours, on constate qu'il s'agit de mettre en
évidence une généalogie mais également une
perte des origines, un oubli du début de l'histoire de
l'humanité. C'est un peu comme si Michel Bernard cherchait
là encore le point focal de l'aliénation fondamentale du
corps au langage, cette fois par le biais du processus éducatif.
La perspective critique n'est donc pas absente. Ce qui est plus
nouveau, c'est finalement l'étude d'un « acte de foi
» (ibid., : 261). Mais, n'est-ce pas cela que l'auteur a
réalisé dans tous ses livres ?
Pour ce qui concerne Critique des fondements de l'Éducation, on
comprend que l'ouvrage se termine sur une adresse aux «
éducateurs » de tous ordres à
réfléchir sur cet acte de foi et sur l'enracinement
historique de cet acte. Car finalement éduquer n'est-ce pas
« en quelque sorte à la fois se convaincre que l'on a le
droit et même le devoir de laisser croire à l'autre que ce
pouvoir simulé s'échange ou se réversibilise entre
individus et du même coup paradoxalement s'annule a priori ou “
cherche sa propre mort ” » (ibid., : 263).
Conclusion
Michel Bernard, sur l'ensemble de son œuvre, trouvait toute sa place au
cœur de ce numéro consacré au corps et aux
éducations. Ses positions institutionnelles, ses publications,
tout autant que ses actes éditoriaux, l'ont situé comme
le maître à penser de Corps & Culture et comme le
spécialiste des rapports entre corps et éducation, corps
et normes, corps et normalité.
Peut-être pourtant nous conduit-il, bien au-delà de cette
préoccupation, à nous interroger sur ce qu'est le rapport
nature/culture, animalité/humanité et peut-être, en
fin de compte, en désignant dans une perspective assez proche de
l'univers psychanalytique, la rationalité, la raison comme une
fine pellicule flottant sur l'univers des passions et des pulsions, sur
de l'irrationalité, de l'éruptif, de
l'imprévisible, mais aussi de l'impensable et de l'indicible. Il
met en évidence comment certaines activités,
pensées comme raisonnables, telles l'éducation, peuvent
se résumer dans des actes de foi. Il nous décrit comment
le sérieux, le construit institutionnel, le rationnel, le
raisonnable peuvent n'être que pantomimes, simulacres et
théâtralités.
Mais il explique aussi comment la libération peut cacher parfois
l'aliénation. Bref, il nous trace la piste fondamentalement
« critique » (de soi et du monde) dans laquelle devrait
s'inscrire toute recherche digne de ce nom en sciences humaines. Les
objets étudiés : le corps, l'expressivité du corps
et l'éducation ne sont donc finalement que des prétextes
à activer une pensée assise sur des auteurs tels que
Nietzsche, Freud, Fédida, ou Foucault, autrement dit, sur des
auteurs attentifs à la passion, à la pulsion, à la
chair mais aussi à l'aliénation. Il s'agit toujours de
penser des « discours » comme construits par le langage, en
dialogue avec la corporéité. Il s'agit de montrer comment
le langage a finalement opprimé le corps, la
spontanéité et peut-être la nature ou même la
communauté originelle. Ou, plus précisément,
comment le corps a été, historiquement, contraint par le
langage et est ainsi devenu langage. Fantasmes, mythes et symboles sont
alors les liens entre ces deux pôles de la chair et du verbe, de
la passion, de la pulsion et de la raison.
Par ailleurs, les notions de « simulacre » et de «
théâtralité », souvent présentes, ne
sont peut-être pas très éloignées du concept
de « spectacle » élaboré par Guy Debord, en
son temps. La société du spectacle n'est-elle pas
justement ce simulacre généralisé, cette
théâtralisation globale des rapports humains, cette
dislocation, ce hiatus originel entre le verbe et la chair.
L’ouvrage, sous presse, sous titré : De la danse comme acte
fondateur, semble poursuivre cette quête toujours
inachevée en interrogeant cette fois le processus de
création chorégraphique et, plus largement, la danse. Il
laisse clairement augurer de la poursuite de l'objectif central, celui
de la rechercher de la genèse des liens de la chair et du signe.
Il faut, en définitive, remercier Michel Bernard pour l'immense
leçon de savoir-vivre épistémologique que
constitue son œuvre et dont pourrait s’inspirer tout chercheur, en
sciences de l'Homme et de la société.
Bibliographie
Ouvrages
Bernard M. (1952) La Philosophie religieuse de Gabriel Marcel, Etude
critique. Paris, Editions des Cahiers du Nouvel Humanisme, 147 pages.
Bernard M. (1ère édition, 1972) Le Corps, Paris,
Encyclopédie Universitaire, 141 p.
Bernard M. (2ème édition, 1976) Le Corps, Paris, Editions
Universitaires Jean Pierre Delarge, 163 p.
Bernard M (1974) I riti del corpo : il presente di un' illuzione, Rome,
Tattilo.
Bernard M. (1976) L'Expressivité du corps, Paris, Delarge
(réédité en 1986 chez Chiron).
Bernard M. (1980) El Cuerpo, Buenos Aires, Editiorial Paidos.
Bernard M. (1980) Der Menschliche Korper und Seine Gesellschaftliche
Relevanz : Phaenomen-Phantasma-Mythos, Hamburg, Limpert verlag.
Bernard M. (1988) Critique des fondements de l'Éducation.
Généalogie du pouvoir ou de l'impouvoir d'un discours,
Paris, Chiron.
Bernard (2000 sous presse) De la création chorégraphique.
De la danse comme acte fondateur, Paris, Chiron et Centre national de
la danse, Complexe.
Chapitres dans des ouvrages
Bernard M. (1973) La psychologie, in : Chatelet F. (dir.) Histoire de
la philosophie, Paris, Hachette.
Bernard M. (1973) Carl Roger : sa vie, son œuvre, in : Les dix grands
de l'inconscient, Paris, CEPL.
Bernard M. (1973) Psychomotricité, in : Encyclopædia
Universalis, Paris.
Bernard M. (1973) Sport, in : Encyclopædia Universalis, Paris.
Bernard M. (1977) Le Mythe de l'improvisation théâtrale ou
les travestissements d'une théâtralité
normalisée, in : Revue d'Esthétique, L'envers du
théâtre, 1-2, Coll. 10/18, Paris C. Bourgois.
Bernard M. (1978) Introduction, in : Coll. Bernard M. (dir.) Quelles
pratiques corporelles maintenant ?, Paris, Delarge
Bernard M. (1978) Sport et institution ou les métamorphoses du
pouvoir, in : Coll. Bernard M. (dir.) Quelles pratiques corporelles
maintenant ?, Paris, Delarge.
Bernard M. (1978) Le corps expressif ou l'ombre fallacieuse de la voix,
in : Coll. Bernard M. (dir.) Quelles pratiques corporelles maintenant
?, Paris, Delarge.
Bernard M. (1982) La dissymétrie comme artefact poétique
ou les jeux de l'autospéculation visagière, in Coll. Du
Visage, Lille, PUL.
Bernard M. (1981) Les paradoxes du spectacle sportif ou les
ambiguïtés de la compétition
théâtralisée, in Coll. Pociello C. (dir.) Sport et
société, Paris,Vigot.
Bernard M. (1985) Les mythes du corps aujourd'hui, in : Coll.
Encyclopédie Mythes et croyances du monde entier, Tome V, Paris
Lidis Brepols.
Bernard M. (1985) Kurzer Abriss einer philosophie des Schulaustauches,
in Schuleraustausch/Schulpartneschaften, Schulleiter Handbuch, 35,
Braunschweig, Westerman Verlag
Bernard M. (1985) L'inquiétante étrangeté de la
mémoire olfactive ou la temporalité paradoxale d'une
corporéité évanescente, in Coll. Le Corps et sa
mémoire, Actes du VIème congrès de
psychomotricité de La Haye, Paris, Doin.
Bernard M.(1986) Esquisse d'une théorie de la
théâtralité d'un texte en vers à partir de
l'exemple racinien, in : Schérer J. (dir.) Dramaturgies :
langages dramatiques, Paris, Nizet.
Bernard M. (1986) Création/animation. Leurs avatars dans le
discours théâtral, in : Coll. Animation,
Théâtre et société, Paris, CNRS.
Bernard M. (1985) Quelques réflexions sur le mime et le
théâtre ou les ambiguïtés d'un ostracisme,
Théâtre du geste. Actes de la Table ronde ayant pour
thème : Paroles sur les théâtres du geste. La
chartreuse de Villeneuve lez Avignon, Circa.
Bernard M. (1989) Philosophie et théâtralité ou de
la nécessité d'un autre renverse copernicien, in : Coll.
Jacob A. (dir.) Encyclopédie philosophique universelle, Tome I,
Paris, PUF.
Bernard M. (1989) Le désir de mémoire ou les effets
pervers de la nostalgie, Communication au Colloque International de
danse sur la mémoire et l'oubli, Arles.
Bernard M. (1989) L'intertextualité philosophique, in : Coll.
Jacob A. (dir.) Encyclopédie philosophique universelle, Tome IV,
Paris, PUF.
Bernard M. (1990) Théâtre et musique, in M. Corvin (dir.)
Dictionnaire du Théâtre, Paris, Bordas-Dunod-Gauthier
Villars.
Bernard M. (1990) Les Masques, in M. Corvin (dir.) Dictionnaire du
Théâtre, Paris, Bordas-Dunod-Gauthier Villars.
Bernard M. (1990) Théâtre et danse, in : M. Corvin (dir.)
Dictionnaire du Théâtre, Paris, Bordas-Dunod-Gauthier
Villars.
Bernard M. (1990) Les nouveaux codes corporels dans la Danse
contemporaine, in : Coll. La Danse, art du XXe siècle, Lausanne,
Payot.
Bernard M. (1991) De la corporéité comme anticorps ou de
la subversion esthétique de la catégorie traditionnelle
du corps, in : Le Corps rassemblé, Montréal, Agence
d'Arc, Université du Québec à Montréal.
Bernard M. (1991) Le délire analogique de F. Delsarte ou les
effets pervers et bénéfiques de la dérive d'un
modèle théologique du corps, in : Delsarte 1811-1871.
Source. Pensées. Catalogue d'exposition du 21 au 14 mai,
Musée de Toulon. Chateauvallon. TNDI.
Bernard M. (1992) L'imaginaire germanique du mouvement ou les paradoxes
du langage de la danse de Mary Wegman, in : Confluences. Le dialogue
des cultures dans les spectacles contemporains. Essai en l'honneur
d'Anne Wersfeld, Paris, Prépublications du petit bricoleur de
Bois Robert.
Bernard M. (1999) Des utopies à l'utopique ou quelques
réflexions désabusées sur l'art du temps, in :
Coll. Danses et utopies, Paris, L'Harmattan.
Articles dans des revues
Bernard M. (1962 et 1963) Une interprétation dialectique de la
dynamique de l'Equipe sportive, Éducation physique et sport, 62,
63.
Bernard M. (1965) La notion d'expression corporelle in :
Éducation physique et sport, 74.
Bernard M. (mai 1975) L'ambivalence du corps en éducation
physique, Esprit, Éducation physique et sportive, Paris, Esprit.
Bernard M., Vigarello G., Pociello C. (1975) Itinéraire d'un
concept, Esprit, Éducation physique et sportive, Paris, Esprit.
Bernard M (1977) L'Expressivité du corps (exposé
préliminaire), Quel Corps ?, 7, mars, St Mandé, Quel
Corps ?, 5-10.
Bernard M. (1980) La Stratégie vocale ou la transvocalisation,
Esprit, 20, Juillet-Août, Paris Esprit.
Bernard M. (1980) La voix dans le masque et le masque dans la voix,
Traverses, 20, Paris.
Bernard M. (1982) Les paradoxes de la douleur ou la matrice
cachée de la fiction corporelle, Esprit, Le Corps entre illusion
et savoir, Paris, Esprit.
Bernard M. (1983) Cercle vicieux et finalité vertueuse,
Autogestion, 12-13, Hiver 82-83, Toulouse, Privat.
Bernard M. (1984) Le labyrinthe sacré ou la toile de
pénélope, Raison présente, numéro
spécial Pédagogie : Espoirs et désillusions,
3ème trimestre, Nouvelles Editions régionalistes.
Bernard M. (1985) Quelques réflexions sur le jeu de l'acteur
contemporain, Bulletin de psychologie, Tome XXXVIII, 370, mars-juin,
8-11.
Bernard M. (1988 a) Esthétique et
théâtralité du corps, Quel Corps ?Corps
Symboliques, 34-35, mai, Paris, Editions Chiron.
Bernard M. (1988 b) Ecritures et théâtralité ou
esquisse d'une problématique de l'écriture
théâtrale, Actions et recherches sociales, Numéro
spécial, 2, juin, Paris, Erès.
Bernard M. (1989) Les métamorphoses du regard de l'acteur (rice)
contemporain (e), Evolutions psychomotrices, 3, Paris.
Bernard M. (1992) La création chorégraphique, Dansons
magazine, 9, Toulouse, Dubar.
Bernard M. (1993) Danse et hasard ou les paradoxes de la composition
chorégraphique aléatoire, Revue d'Esthétique,
numéro spécial, Et la danse, Toulouse, Privat.
Bernard M. (1994) Esquisse d’une théorie de la perception du
spectacle chorégraphique, Prétentaine, 1, 39-46.
Bernard M. (1996) Itinéraire d’un livre occulté :
critique des fondements de l’éducation ou
généalogie du pouvoir ou de l’impourvoir d’un discours,
Prétentaine, 5, mai, 129-134.
Bernard M. (2000) Une évidence ambiguë. Esquisse
problématique des rapports de la danse et de la
musicalité, Prétentaine, Corps, 12/13, 369-378.

Retour à la liste des pages
|